Faire de la Relativité Générale avec une flèche !

mardi 14 mai 2019
par  _Jean-Eric_
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Avant-propos

Cet article est destiné à des étudiants post-bacs qui voudraient se faire une idée de Principes élaborés pour obtenir la Relativité Générale, sur un cas simple de la trajectoire d’un projectile (cf. la flèche) dans le champ de pesanteur terrestre. Il y a de la technique mathématique qui peut en dérouter plus d’un(e)s mais cela vaut le coup !

Introduction

Dans l’article Une flèche de Newton à Euler-Lagrange j’ai introduit une façon de résoudre en Mécanique Classique le problème de trouver la trajectoire d’une simple flèche évoluant dans le champ de pesanteur terrestre. Cette formulation fait appel non pas aux concepts de forces et de Principe Fondamental de la Dynamique établis par Newton, mais plutôt à la notion de Lagrangien du système associé aux équations différentielles d’Euler-Lagrange déduites du Principe Variationnel de Hamilton.

Dans le présent article, je vais aller un cran plus haut, pour vous faire toucher du doigt un principe révolutionnaire introduit par Albert Einstein de 1908-15, à savoir celui de la Relativité Générale.

Quatre dimensions de Poincaré-Minkowski, Relativité Restreinte d’Einstein

Dans un premier temps examinons le cas d’un projectile (ici la flèche) évoluant dans un espace à 3 dimensions $(x,y,z)$ mais sans champ de pesanteur. Nous savons que le Lagrangien est alors

$$ \mathcal{L}(x,y,z ;\dot{x}, \dot{y},\dot{z})= \frac{1}{2} m (\dot{x}^2+\dot{y}^2 + \dot{z}^2) $$


Comme $\mathcal{L}$ ne dépend pas explicitement de $(x,y,z)$ mais de leurs dérivées par rapport au temps, cf. $\dot{q}=dq/dt$ avec ($q=x,y,z$), alors pour tout $q$

$$ \frac{d}{dt}\left( \frac{\partial \mathcal{L}}{\partial \dot{q}} \right)= 0 $$


c’est-à-dire que

$$ \frac{\partial \mathcal{L}}{\partial \dot{q}} = m\ \dot{q}(t) = Cte $$


Ce n’est autre que la conservation de la quantité de mouvement au cours du temps durant le mouvement de la flèche, rectiligne et uniforme, bien en accord avec ce qu’apprennent nos lycéen(ne)s.

Or, Albert Einstein en 1905, lors de l’élaboration de sa Relativité Restreinte, nous dit qu’il faut considérer les variables d’espace $(x,y,z)$ et de temps $t$ comme étant liées entres-elles dans un espace à 4 dimensions [1], et donc représenter un événement se fait à l’aide de 4 variables (ex. ma flèche se trouvé là à tel instant). La distance entre deux événements est identifiée comme la distance entre deux points dans cet espace, un peu comme on le fait pour calculer la distance entre 2 points dessinés sur une feuille de cahier.

Cependant, cet espace à 4 dimension est Euclidien, en mémoire de la géométrie plane d’Euclide, mais avec une subtilité. En effet, un espace Euclidien du quotidien est celui du tableau ou d’une feuille de papier non froissée, et on a appris que la distance $ds$ entre 2 points que l’on repère par deux jeux de coordonnées $(x_1,y_1)$ et $(x_2, y_2)$ par rapport au coin en bas à gauche par exemple, est donnée par la relation :

$$ ds = \sqrt{(x_2-x_1)^2+(y_2-y_1)^2} $$


Si les deux points sont très proches l’un de l’autre alors $x_2-x_1 = dx$ et $y_2-y_1=dy$, et on obtient que le carré de la distance entre ces 2 points est donnée par la relation

$$ ds^2 = dx^2 + dy^2 $$


Ceci se généralise à un espace Euclidien en 3 dimensions où l’on repère un point par les coordonnées $(x,y,z)$ ; dans ce cas la distance élémentaire $ds$ est égale à

$$ ds^2 = dx^2 + dy^2 + dz^2 $$

En Relativité Galiléenne où le temps s’écoule identiquement dans tous les référentiels en mouvement rectiligne et uniforme les uns par rapport aux autres (cf. référentiels galiléens), alors $ds^2$ est un invariant. C’est-à-dire que cette quantité ne varie pas selon quelle est obtenue par mesures dans un référentiel $\mathbf{R}_1$ ou un autre $\mathbf{R}_2$ pourvu qu’ils soient galiléens.

Or, en Relativité Restreinte, le temps même pour des référentiels galiléens ne s’écoule pas identiquement. Il faut donc intégrer le temps pour mesurer une distance entre 2 "points" dans l’espace à 4 dimensions. En fait, lors d’un changement de référentiel $\mathbf{R}_1\rightarrow \mathbf{R}_2$, avec $\mathbf{R}_2$ en translation à vitesse constante $V$ selon l’axe $x$, alors un événement repéré par les variables $(x_1,y_1,z_1,ct_1)$ mesurées dans le repère $\mathbf{R}_1$ où l’on ajoute aux variables d’espace $(x_1,y_1,z_1)$, la variable temps $ct_1$ avec $c$ la vitesse de la lumière dans le vide postulée comme un invariant, alors les relations de Poincaré-Lorentz [2] permettent de déduire quelles sont les valeurs $(x_2,y_2,z_2,ct_2)$ dans le repère $\mathbf{R}_2$, à savoir [3]

$$ \boxed{ \begin{align} c t_2 &= \gamma (c t_1 - \beta x_1) \\ x_2 &= \gamma (x_1 - \beta c t_1) \\ y_2 &= y_1 \\ z_2 &= z_1 \end{align} } $$


avec $\beta = V/c$ et $\gamma = 1/\sqrt{1-\beta^2}$ le facteur (ou boost) de Lorentz qui devient de plus en plus grand que $V$ s’approche de $c$. Maintenant, si on considère 2 événements dans $\mathbf{R}_1$ repérés par $(x_1,y_1,z_1,ct_1)$ et $(x_1^\prime,y_1^\prime,z_1^\prime,ct_1^\prime)$ et les mêmes événements repérés dans $\mathbf{R}_2$ par $(x_2,y_2,z_2,ct_2)$ et $(x_2^\prime,y_2^\prime,z_2^\prime,ct_2^\prime)$, alors d’après les relations ci-dessus on a :

$$ \begin{align} d\tau_2^2 & \equiv c^2(t_2-t_2^\prime)^2 - (x_2-x_2^\prime)^2 - (y_2-y_2^\prime)^2 - (z_2-z_2^\prime)^2 \\ &= \left\{ c^2(t_1-t_1^\prime)^2 - (x_1-x_1^\prime)^2 - (y_1-y_1^\prime)^2 - (z_1-z_1^\prime)^2\right\} \times \gamma^2 (1-\beta^2) \\ &= c^2(t_1-t_1^\prime)^2 - (x_1-x_1^\prime)^2 - (y_1-y_1^\prime)^2 - (z_1-z_1^\prime)^2 \\ & = d\tau_1^2 \end{align} $$


Donc, on obtient un résultat très important, à savoir que la distance entre 2 événements spatio-temporels est un invariant relativiste pourvu que cette distance soit mesurée dans deux référentiels en mouvement rectiligne et uniforme donc galiléens. C’est ce que l’on appelle le temps propre d’une particule (ou de la flèche). Remarquons au passage la limite $V \ll c$ redonne la formulation non-relativiste de Galilée des relations de passage entre les mesures faites dans les repères galiléens, et notons que $d\tau^2$ est aussi un invariant galiléen. La Relativité Restreinte généralise ces concepts.

Pour le cas de deux événements infiniment proches, on écrit comme pour le cas Euclidien spatial envisagé plus haut, leur distance comme :

$$ \boxed{ d\tau^2 = (c\ dt)^2 - (dx)^2 - (dy)^2 - (dz)^2 \equiv -ds^2 } $$


la seule différence qu’il faut noter qui fait de l’espace de Minkowski, un espace Euclidien "spécial" [4], est la différence de signe entre les variables de genre espace et la variable de genre temps. Si on veut retrouver une structure Euclidienne il faut par exemple considérer un temps imaginaire pure au sens des complexes.

Introduisons les notations suivantes :

$$ \begin{eqnarray} \mu & :& 0, 1, 2, 3 \\ x^\mu & :& (x^0, x^1, x^2, x^3) = (c t, x, y, z) \\ dx^\mu & :& (dx^0, dx^1, dx^2, dx^3) = (c dt, dx, dy, dz)\\ \eta_{\mu\nu} & :& \begin{bmatrix} 1 & 0 & 0 & 0 \\ 0 & -1 & 0 & 0 \\ 0 & 0 & -1 & 0 \\ 0 & 0 & 0 & -1 \end{bmatrix} = \mathrm{diag}(1,-1,-1,-1) \end{eqnarray} $$


Ainsi, les indices grecques ($\mu$, $\nu$) sont conventionnellement des indices qui peuvent prendre 4 valeurs pour définir les variables $x^\mu$ en 4 dimensions ainsi que leurs valeurs infinitésimales $dx^\mu$, et aussi des matrices $4\times 4$ comme $\eta_{\mu\nu}$ qui est une matrice diagonale où seuls les éléments de la première diagonale sont non-nuls [5]. Alors, on peut réécrire la formule qui donne $d\tau^2$ (ou $ds^2$), selon

$$ d\tau^2 = \sum_{\mu=0}^3\sum_{\nu=0}^3 \eta_{\mu\nu} dx^\mu dx^\nu $$


Une dernière réécriture due à Einstein qui pour alléger les notations stipule qu’il y a une sommation implicite sur des indices qui se répètent lors du produits de variables [6] ainsi

$$ \boxed{ d\tau^2 = \eta_{\mu\nu} dx^\mu dx^\nu } $$


Selon cette formulation, on dit que la matrice $\eta_{\mu\nu}$ représente la métrique plate ou pseudo-euclidienne de l’espace de Minkowski..

Lagrangien et Euler-Lagrange en 4-dimensions

Il y a un lien très étroit avec la formulation Lagrangienne du mouvement d’une particule libre, c’est-à-dire soumis à juste à sa propre inertie. Connaissant la formulation de $d\tau$ ci-dessus, alors on définit le lagrangien suivant [7] :

$$ \begin{align} \mathcal{L}\left(x^\mu,\frac{dx^\mu}{d\tau}\right) &= \frac{1}{2} \eta_{\mu\nu} \frac{dx^\mu}{d\tau} \frac{dx^\nu}{d\tau} \\ &= \frac{1}{2}\left\{ c^2\left( \frac{dt}{d\tau}\right)^2 - \left(\frac{dx}{d\tau} \right)^2 - \left(\frac{dy}{d\tau} \right)^2 - \left(\frac{dz}{d\tau} \right)^2 \right\} \end{align} $$


La variable de différentiation est le temps propre de la particule dont on a omis la masse $m$ dans la formulation du lagrangien puisque que l’on a déjà vue quelle n’intervient pas finalement dans l’équation de la trajectoire.

Maintenant, les équations d’Euler-Lagrange se généralisent selon :

$$ \boxed{ \frac{d}{d\tau} \left(\frac{\partial \mathcal{L}}{\partial (dx^\mu/d\tau)} \right) - \frac{\partial \mathcal{L}}{\partial x^\mu} = 0 } $$


Comme le lagrangien ne dépend pas explicitement des variables $x^\mu$, alors on en déduit que les dérivées secondes par rapport à $\tau$ sont nulles :

$$ \frac{d^2t}{d\tau^2} = \frac{d^2x}{d\tau^2} = \frac{d^2 y}{d\tau^2} = \frac{d^2z}{d\tau^2} = 0 $$


donc que les fonctions $t(\tau)$, $x(\tau)$, $y(\tau)$ et $z(\tau)$ sont des fonctions linéaires en $\tau$ et, après changement de variables il est simple d’éliminer la variable $\tau$ en faveur du temps $t$ pour obtenir finalement :

$$ \begin{align} x(t) &= a_x\ t + b_x \\ y(t) &= a_y\ t + b_y \\ z(t) &= a_z\ t + b_z \end{align} $$


à l’aide des constantes du temps ($a_x, b_x ; a_y, b_y ; a_z, b_z$) que l’on détermine en connaissant la position et la vitesse initiale par exemple (cf. à $t=0$). Donc le lagrangien

$$ \boxed{ \mathcal{L}_{libre} = \frac{1}{2} \eta_{\mu\nu} \frac{dx^\mu}{d\tau} \frac{dx^\nu}{d\tau} } $$


est bien celui d’une particule libre qui a un mouvement rectiligne et uniforme dans un espace à 4 dimensions de métrique $\eta_{\mu\nu}$ de Minkowski.

Mouvement d’une particule libre dans un espace-temps courbe

Dans la section précédente, on a établi que la trajectoire de la particule (flèche) dans le cas où il n’y a pas de pesanteur est une ligne droite, et que c’est la trajectoire qui est de plus petite longueur entre 2 points d’espace-temps à 4 dimensions doté de la métrique de Minkowski. Tout comme la ligne droite est la courbe de plus petite distance entre deux points sur le tableau, ou une feuille non froissée. Ce type de courbe s’appelle une géodésique.

Qu’en est-il quand la particule, ou notre flèche, évolue dans un champ de pesanteur que l’on suppose être ici la simple composante verticale (cf. selon la verticale $y$ descendante) d’intensité $g$ ?

On a vu dans l’article Une flèche de Newton à Euler-Lagrange une formulation lagrangienne "classique" que l’on réécrit ici selon

$$ \mathcal{L} = \frac{1}{2} \left\{ \left(\frac{dx}{dt} \right)^2 + \left(\frac{dy}{dt} \right)^2 + \left(\frac{dz}{dt} \right)^2\right\} - g y $$


Cette formulation sous entendait un espace de Galilée, à savoir 3 coordonnées d’espace $(x, y, z)$ et une variable temps $t$ absolue, qui servait de variable de différentiation. Or, on a vue dans la section précédente, la nécessité pour se conformer au formalisme de la Relativité Restreinte, à reformuler le lagrangien en terme de 4 variables spatio-temporelles et d’utiliser le temps propre $\tau$ comme variable de différentiation.

Cependant, on va faire l’hypothèse que le champ gravitationnel est de petite intensité et donc n’introduit qu’une faible perturbation [8]. Cette hypothèse où les conditions de validité seront précisées. Notons également que le champ est stationnaire, c’est-à-dire que ses variations donc les dérivées temporelles du champ sont nulles, et on peut également ne considérer qu’une dépendance par rapport à la variable $y$. Enfin notre flèche aura une vitesse faible par rapport à $c$. Essayons alors de trouver une perturbation de la métrique de Minkowski qui rend compte de la présence du champ de pesanteur selon la l’expression [9] :

$$ g_{\mu\nu} = \begin{bmatrix} {-1 + h} & 0 & 0 & 0 \\ 0 & 1 & 0 & 0 \\ 0 & 0 & 1 & 0 \\ 0 & 0 & 0 & 1 \end{bmatrix} $$


avec $h=h(y)$ une fonction uniquement de $y$ et très petite devant 1, $h\ll 1$ de telle façon que l’on considérera nulle toute expression utlisant des puissances supérieures de $h$ (cf. $h^2 = h^3 = \dots = 0$). Ainsi le temps propre est défini selon [10]

$$ d\tau^2 = -g_{\mu\nu}dx^\mu dx^\nu = (1-h) (cdt)^2 - dx^2 - dy^2 - dz^2 $$


et le lagrangien d’une particule libre dans ce nouvel espace-temps muni de la métrique modifiée $g_{\mu\nu}$ s’écrit

$$ \mathcal{L} = \frac{1}{2} \left\{(1-h)c^2\left(\frac{dt}{d\tau} \right)^2 - \left(\frac{dx}{d\tau} \right)^2 - \left(\frac{dy}{d\tau} \right)^2 - \left(\frac{dz}{d\tau} \right)^2 \right\} $$

Les équations d’Euler-Lagrange écrites pour les variables $ct, x, z$ conduisent comme précédemment à :

$$ \frac{d^2 (ct)}{d\tau^2} = \frac{d^2x}{d\tau^2} = \frac{d^2z}{d\tau^2} = 0 $$


c’est-à-dire que $ct, x, z$ sont des fonctions linéaires de $\tau$ que l’on pourra éliminer au profit de $ct$ ; et la seule équation qui diffère par rapport au cas sans pesanteur est celle qui faire intervenir $y$. On obtient dans ce cas

$$ {-}\frac{d^2y}{d\tau^2} + \frac{1}{2} \left( \frac{\partial h}{\partial y}\right) c^2 \left( \frac{dt}{d\tau}\right)^2 = 0 $$


Or,

$$ t = \alpha_t \tau + \beta_t $$


avec $(\alpha_t, \beta_t)$ des constantes, donc

$$ \begin{align} \left( \frac{dt}{d\tau}\right)^2 &= \alpha_t^2 \\ {-}\frac{d^2y}{d\tau^2} &= \alpha_t \frac{d}{dt}\left[ \alpha_t \frac{dy}{dt}\right] = \alpha_t^2 \frac{d^2y}{dt^2} \end{align} $$


Ainsi, on obtient l’équation différentielle qui régit l’évolution temporelle de $y$ :

$$ \frac{d^2y }{dt^2} = \frac{c^2}{2} \left( \frac{\partial h}{\partial y}\right) $$


Si on l’a rapproche de l’équation que l’on obtient dans le cadre newtionien

$$ \frac{d^2y}{dt^2} = -g $$


alors, on identifie la perturbation $h(y)$ de la métrique, à savoir :

$$ \frac{\partial h}{\partial y} = -\frac{2g}{c} $$


Ce qui donne l’expression de la perturbation :

$$ \boxed{ h(y) = - 2 \left( \frac{gy}{c^2}\right) + cte } $$


Notons que $h$ est bien sans unité et manifestement très petit, en tous les cas sur Terre, car : $g \approx 10 \mathrm{m.s}^{-2}$, $c^2 \approx 9\ 10^{16} (\mathrm{m.s})^{-2}$ et $y$ est quant à lui au pire de l’ordre de 100m à 1,000m, soit $O(10^{2-4})$m, donc $h = O(10^{-13})$. Ceci justifie a posteriori les approximations faites au début. Dans le cas newtonien, on sait par ailleurs que $gy$ est une expression approchée du potentiel gravitationnel, en effet :

$$ \phi_g(y) = -\frac{GM_T}{R_T+y} \approx - \frac{GM_T}{R_T} + \frac{GM_T}{R_T^2} y \dots = g y + cte $$


avec $G$ la constante gravitationnelle, $M_T$ et $R_T$ la masse et le rayon [11] de la Terre. Donc l’expression qui généralise le résultat ci-dessus donne la relation entre la perturbation $h$ de la métrique et le potentiel gravitationnel $\phi_g$ :

$$ \boxed{ h = -2 \frac{\phi_g}{c^2} + cte } $$


(nb. dans le cas d’un champ gravitationnel sans limitation sur $y$, alors il faut garder $R_T+y$ au dénominateur, et pour $y$ très grand le champ devient nul et la métrique $g$ doit se confondre avec la métrique non perturbée, alors on choisit la valeur de la constante nulle.)

Récapitulons ce que l’on vient de montrer : à partir d’une métrique $g_{\mu\nu}$ obtenue par perturbation de l’espace-temps sans pesanteur de Minkowski (cf. $\eta_{\mu\nu}$) du cadre de la Relativité Restreinte, on a pu obtenir les équations du mouvement identiques à celles obtenues dans le cadre newtonien dans lequel on plonge le projectile dans un champ de pesanteur.

C’est un premier résultat très important : le mouvement d’un projectile dans un champ gravitationnel peut être tout aussi bien décrit par une particule libre dans un espace-temps de métrique non-minkowskienne ou plutôt dans un espace-temps de Gauss-Riemann [12].

Référentiel Local de Minkowski : Relativité Restreinte locale

Ayant l’expression de la métrique $g_{\mu\nu}(x^\alpha)$ de l’espace-temps modifié par la gravitation et associé aux variables $x^\alpha = (ct,x,y,z)$ pour décrire le mouvement du projectile, on se pose alors la question suivante : peut-il exister un jeu de variables $\xi^\mu(x)=(\xi^0,\xi^1,\xi^2,\xi^3)$ valide autour d’un point $x^\alpha \approx x_0^\alpha$ pour lequel l’espace-temps local est celui de Minkowski de métrique $\eta_{\mu\nu}$ ?

C’est-à-dire existe-t’il des variables $\xi^\mu(x)$ telles que autour de $x_0$

$$ g_{\mu\nu}(x) dx^\mu dx^\nu \approx \eta_{\mu\nu}(x) d\xi^\mu d\xi^\nu $$


La réponse est oui, on montre qu’au premier ordre en $h$ que [13]

$$ \begin{align} \xi^0 &\approx (1-h/2)\ ct = (1+\phi_g/c^2)\ ct \\ \xi^1 &\approx x \\ \xi^2 &\approx y \\ \xi^3 &\approx z \\ \end{align} $$


Donc, on a montré que le champ gravitationnel modifie la métrique de l’espace-temps et que localement, on peut trouver un jeu de variables qui décrivent le mouvement du projectile comme s’il n’y avait plus de champ gravitationnel dans un espace-temps plat de la Relativité Restreinte (cf. la métrique est celle de Minkowski).

Le Principe d’Equivalence d’Einstein

Le fait d’avoir une description du mouvement de la flèche dans un référentiel où la gravitation est nulle (cf. métrique plate de Minkowski) est une expérience de pensée qu’A. Einstein a décrite non pas avec une flèche, mais un ascenseur dont on coupe les câbles (!) On se retrouve à l’intérieur dans l’incapacité de savoir si on est soit dans un champ gravitationnel en chute libre soit en absence de pesanteur, c’est-à-dire que la description des phénomènes physiques ne peut discerner ces deux cas de figure, qui sont donc équivalentes. C’est à partir de ce constat qu’A. Einstein a postulé un nouveau Principe d’Equivalence à savoir que les lois de la Nature sont telles que dans le repère local de Minkowski ces lois sont celles de le Relativité Restreinte.

La théorie de la Relativité Générale met en pratique ce Principe d’Equivalence d’abord dans l’égalité fondamentale

$$ d\tau^2 = -g_{\mu\nu}(x) dx^\mu dx^\nu = - \eta_{\mu\nu}(x) d\xi^\mu d\xi^\nu $$


De cette égalité, le mouvement rectiligne et uniforme dans l’espace de Minkowski, à savoir régit par les équations :

$$ \frac{d^2\xi^\mu}{d\tau^2} = 0 $$


les mathématiques décrivant la Géométrie Différentielle de Gauss, Riemann et bien d’autres permettent d’écrire que

$$ \frac{d^2 x^\mu}{d\tau^2} + \Gamma^\mu_{\alpha\beta} \frac{dx^\alpha}{d\tau} \frac{dx^\beta}{d\tau} = 0 $$


avec $\Gamma^\mu_{\alpha\beta}$ un object mathématique qui est déduit des dérivées de la métrique $g_{\mu\nu}$. Cette formule est l’expression générale d’une trajectoire qui minimise la distance (spatio-temporelle), c’est une géodésique, et cette formulation est équivalente aux équations d’Euler-Lagrange d’une particule libre.

C’est l’aspect cinématique de la Relativité Générale d’A. Einstein, son aspect dynamique a été élaboré a partir du constat que le Principe d’Equivalence peut être rendu par requérir que les lois de la Nature doivent satisfaire le Principe de Covariance Général. C’est-à-dire que les lois de la Nature doivent s’écrire avec des objects mathématiques (tenseurs) qui se transforment par changement de référentiels, de $(g_{\mu\nu}, x^\mu)$ à $(g^\prime_{\mu\nu}, x^{\prime\mu})$, de telles façons que les lois sont invariantes de forme. L’équation de la géodésique fait partie des lois qui satisfont ce principe.

C’est tout le génie d’A. Einstein d’avoir trouvé que non seulement la théorie de la gravitation pouvait se mettre sous une forme covariante, mais également la théorie de l’électromagnétisme de Maxwell, et maintenant toutes les théories des champs adhérent au Principe de Covariance Générale.

Résumé

Dans cet article qui est certes réservé à des étudiant(e)s ayant des bases solides en math, permet de toucher du doigts sur un cas concret simple, quels sont les Principes élaborés dans le cadre de la Relativité Générale, car il ne faut pas croire que parce que la vitesse de la flèche est faible par rapport à la vitesse de la lumière alors on ne peut pas concevoir ce cadre théorique. Rappelons nous qu’A. Einstein établit cette théorie en 1911 bien avant l’avénement même des accélérateurs de particules, au même titre qu’il a élaboré la théorie du laser bien avant sa conception.


[13+1 pour être précis pour distinguer les variables d’espace et celle du temps. Dans certaines théories allant au delà du Modèle Standard, on envisage d’augmenter le nombre de dimensions de genre espace.

[2C’est après de nombreux essais que Hendrik Lorentz et Henri Poincaré donnent la formulation définitive de ces relations en 1905, et Albert Einstein en donne la signification physique.

[3On généralise ces formules pour des mouvements rectilignes et uniformes quelconque, c’est-à-dire non pas uniquement ceux dirigés selon un des axes du repère $\mathbf{R}_1$.

[4On dit affine pseudo-euclidien, et d’ailleurs $d\tau^2$ ou $ds^2$ n’est pas à proprement parlé une distance car elle n’est pas toujours positive.

[5En Relativité Générale, on manipule des grandeurs, dit tenseurs, jusqu’à 4 indices

[6On note aussi la position des indices dans ce cas, on somme sur le $\mu$ du $\eta$ qui est en bas et du $dx^\mu$ qui est en haut, mais je ne rentre pas dans ces subtilités dans le texte.

[7Le lecteur avisé peut avoir identifié que pour un photon $d\tau =0 $, ce qui mérite une attention particulière. Dans ce cas on prend comme variable de différentiation $x^0= \sigma$ et on peut dérouler le même formalisme pour découvrir la trajectoire de la particule fusse-t’elle un photon car on élimine à la fin $\tau$ le temps propre ou $\sigma$.

[8on n’habite pas sur une planète géante et a fortiori sur un trou noir

[9Attention on présente la plus part du temps dans les manuels une version avec
$g_{\mu\nu} = \eta_{\mu\nu} + h_{\mu\nu}$. Dans ce cas $g_{00} = -1 + h_{00}$, donc pour faire le lien il faut avoir à l’esprit que $h=h_{00}$.

[10Attention : la notation $dx^2$ ici est à comprendre comme $(dx)^2$ et non $d(x^2)=2x\ dx$, on a juste omis les parenthèses pour alléger la notation.

[11Ici on peut prendre la distance locale au centre de la géoïde, peu importe car je fais une analyse plutôt de principe.

[12Georg Frie drich Bernhard Riemann (1826-66) mathématicien allemand a qui l’on doit la généralisation de la géométrie d’Euclide sous la direction de Carl Friedrich Gauss (1777-1855) dont Riemann étend les résultats de géométrie différentielle.

[13Notons au passage que tout se passe comme si on redéfinissait la vitesse de la lumière, la faisant dépendre de l’altitude $y$ selon $c \rightarrow c(y) = c\ (1+ (gy)/c^2)$. Ceci avait été remarqué par A. Einstein en 1911 lors de sa quête d’une théorie générale de la relativité, mais au delà de l’approximation newtonienne faire varier la valeur de $c$ n’a pas eu de succès théorique.